L’ère des micro-certifications : comment adapter la formation professionnelle aux dynamiques du marché ?
Le rythme accéléré de l’innovation et de l’évolution technologique continue de remodeler le paysage des compétences requises dans le monde professionnel. Concomitamment, la nécessité d’opérer une transition écologique et numérique résiliente place la formation au cœur des enjeux de transformation de l’économie et du vivre ensemble. Ce rythme amenait l’OCDE en 2021 à considérer que la durée de vie d’une compétence technique était déjà réduite à deux ans. Cette dynamique, renforcée par le recours à l’IA générative en plein déploiement, crée un besoin impérieux pour les entreprises de proposer des formations continues et adaptatives, parfaitement intégrées à l’activité professionnelle quotidienne des salariés.
Les besoins en développement de compétences sont spécifiques à chaque individu. Chaque projet de formation s’inscrit donc dans un cadre de compétences distinct, visant des objectifs différents : de reconversion professionnelle, évolution professionnelle, actualisation continue des compétences. A chacun de ces objectifs correspondent des types d’action de développement des compétences différents. La généralisation des MOOC et des formations courtes témoigne de la tendance à la diversification des formats et au raccourcissement des formations, pour développer en continu les compétences de tous les salariés.
Vers le développement de micro-certifications pour attester ces compétences
Le recours aux courts modules d’apprentissage visant un petit ensemble de compétences, a conduit à la mise en place d’une grande diversité de dispositifs. Les exemples sont multiples, à l’initiative autant par les établissements d’enseignement supérieur qui conçoivent des plateformes dédiées, que par les grandes entreprises qui mettent en place leurs propres micro-accréditations. Ces acteurs s’appuient généralement sur les grandes plateformes pionnières de la formation en ligne, dont la fréquentation est croissante, largement renforcée par la crise du Covid-19.
Cela constitue des parcours de micro-certification permettant un apprentissage sur-mesure et immédiat, “juste à temps”, contribuant à l’optimisation des performances aux évolutions des pratiques professionnelles et des tendances émergentes. Ces micro-certifications sont appelées parfois badges numériques, micro-certificats, micro-crédits… Elles peuvent se cumuler ou être intégrés à un parcours plus large, menant à une certification. La valorisation des micro-certifications permet également de satisfaire une demande de reconnaissance dématérialisée, en réponse aux problématiques actuelles de lutte contre les fraudes aux faux diplômes. A l’image du projet de Passeport Compétences initié par l’Etat comme un coffre-fort de la vie professionnelle, il existe une nécessité de délivrance, de stockage et de partage digitalisés et sécurisés des diplômes et certifications.
Dans cette dynamique, le Conseil de l’Union européenne a adopté en juin 2022 une recommandation sur « une approche européenne des micro-certifications pour l’apprentissage tout au long de la vie et l’employabilité ». La micro-certification y est définie comme un « acquis d’apprentissage obtenus à la suite d’un petit volume d’apprentissage ».
Quelle reconnaissance des micro-certifications ?
Le développement des micro-certifications traduit une certaine incapacité des modèles traditionnels de diplômes et certifications à répondre efficacement aux besoins de réactivité imposé par le marché du travail. Mais malgré l’impulsion européenne donnée aux micro-certifications, le concept doit encore être façonné afin d’apporter des garanties maximales aux utilisateurs. Une approche commune pourrait être définie autour des notions de qualité, notamment à travers des principes d’évaluation communs, une reconnaissance par une autorité, et un système cohérent qui permettrait de créer des combinaisons dont la somme constituerait une certification. Cela rappelle la logique des blocs de compétences, mais à une échelle plus fine.
En termes de reconnaissance formelle, le cadre de la formation professionnelle en France comprend deux types de certifications gérés par l’Etat à travers France Compétences : le RNCP et le RSCH. Ce cadre permet à la fois une reconnaissance des compétences par une instruction visant à garantir l’adéquation des compétences visées avec les besoins du marché. Il permet également un accès aux financements publics et paritaires, car de nombreux dispositifs de financement sont conditionnés à l’aspect certifiant du dispositif de formation.
Face aux besoins des entreprises de favoriser l’accès à la formation continue, le système actuel repose, en termes de reconnaissance formelle, sur des formations certifiantes s’appuyant d’une part sur le répertoire spécifique, valorisant une offre de compétences complémentaires, et d’autre part sur les blocs de compétences des titres RNCP, qui peuvent être commercialisés de manière autonome. Ce cadre binaire, la régulation actuelle (un taux d’enregistrement inférieur à 20% concernant le RS) et le lien fort avec les enjeux de financement, ne permettent pas d’intégrer les micro-certifications au sein du cadre national des certifications.
En conclusion, les micro-certifications sont un phénomène observé depuis quelques années, elles apparaissent comme une solution adaptée aux enjeux contemporains des organisations, par leur flexibilité et leur adaptation aux besoins de développement des compétences des individus. Mais elles constituent un concept totalement nouveau, à façonner, pour promouvoir une compréhension commune et permettre la transposition et l’internalisation du concept au niveau national.
Alain Gouet, Consultant Manager Lafayette – 09/2024