Si l’on attribue la qualification à la notion de scolarité, depuis des décennies la sociologie nous enseigne que l’inégalité des chances résiderait dans le fait que les enfants issus de classes sociales inférieures ont moins de chances de faire des études que les enfants issus de familles plus aisées. Le sociologue Raymond Boudon l’avait parfaitement résumé dans sa théorie du bénéfice et du coût anticipé[1]Concernant la qualification en dehors du champ scolaire et universitaire, c’est-à-dire d’un point de vue professionnel par le biais de la formation continue, l’écart se creuse entre salariés qualifiés et non qualifiés.

Des salariés moins qualifiés désavantagés

Si l’on analyse la moyenne annuelle de formation selon le diplôme, on peut souligner que les salariés détenteurs d’un Bac+3 et plus cumulent plus d’heures de formation avec 26h sur 1 année que ceux avec un cursus inférieur (CAP/BEP ou BA) cumulant environ 14h. Or selon une étude du Céreq publiée en 2017 : 72 % des employés de commerce souhaitent se former dans les cinq années à venir, soit autant que chez les cadres et professions intellectuelles contre 60 % des ouvriers. Une volonté générale de se former, puisque toutes les catégories socio-professionnelles y sont visiblement représentées. Cependant lorsque l’on compare les taux d’accès à la formation des différentes familles professionnelles, de réelles disparités apparaissent !

 « La formation continue serait destinée aux formés…»

En 2016 (toujours selon cette étude) 31% des salariés auraient effectué une demande de formation, parmi ce résultat on compterait 19% d’ouvriers (qualifiés et non qualifiés) contre 50% de cadres. L’accès à la formation y est également analysé, puisque 22% des ouvriers non qualifiés ont suivi au moins une formation au cours des 18 mois qui ont suivi l’enquête, comparé à 56% chez les cadres.

Le rôle de l’entreprise dans l’accompagnement des salariés

Le manque de transparence de l’entreprise, la communication parfois inexistante des services RH ne dévoilant pas l’étendu des alternatives aux salariés (l’utilisation du CPF, la mécanique du plan formation, les entretiens), peuvent anéantir l’argument socioprofessionnel évoqué. En somme un dispositif (plus pédagogique) encourageant les entretiens personnalisés mais aussi encadrés est primordial ! A noter que ce genre de situations peut également se produire dans des milieux professionnels constitués à majorité de cadres.

 « 2 sur 10 seulement s’inscrivent sur le site moncompteformation.gouv.fr. »

En définitive, les pouvoirs publics misent désormais sur une logique de formation des individus tout au long de la vie, où il sera donné à chacun la possibilité d’évoluer au sein de son entreprise/son secteur professionnel, de changer de métier… De plus, la transition digitale va bouleverser beaucoup de métiers dont une part importante dans l’Industrie. De nouvelles conditions de travail liées aux nouvelles techniques de production vont apparaître (cf. robotisation). Mais la transition numérique ne doit pas être uniquement appréhendée par la vision destructrice Schumpetérienne. En effet, le progrès technique doit être également perçu comme un levier d’évolution professionnelle dans la mesure où la formation implique l’adaptation des salariés à de nouvelles compétences, leur apportant ainsi de nouvelles opportunités.

D’autant plus que la rénovation actuelle du chantier de la formation tend à favoriser l’individualisation des parcours. Le gouvernement souhaite insuffler l’idée que chacun puisse désormais « s’engager dans l’évolution de ses compétences », notamment grâce à une simplification et désintermédiation du système de formation : monétisation du CPF, développement d’une application mobile où chacun pourra comparer les offres de formation…tout cela garantissant l’autonomie des individus. La loi offrira ainsi davantage d’autonomie aux actifs, mais ceux qui le souhaitent pourront bénéficier d’un accompagnement gratuit : le conseil en évolution professionnelle (CEP) sera d’ailleurs renforcé (plus de financements prévus).

Enfin, le nouveau credo du gouvernement vise à rendre le système de la formation plus égalitaire, et ce, quelle que soit la taille de l’entreprise.  Désormais le montant crédité sur le CPF sera majoré dans certains cas tels que les personnes peu qualifiées ou handicapées.

Or si telle est l’ambition réjouissante du gouvernement, la réussite ne peut se faire que par une volonté mutuelle des deux parties (gouvernement/entreprise), où les efforts (circulation de l’information, transparence, accompagnement) seront partagés, et ce dans tous environnements professionnels. En somme, les entreprises doivent elles aussi jouer le jeu !

 

[1] Les familles aux revenus plus modestes, anticipent davantage le coût provoqué par les études plutôt que le bénéfice attendu, un bénéfice qui permettrait pourtant une mobilité sociale vers une position supérieur, avec l’assurance ainsi de meilleurs revenus…