Une libéralisation du secteur de l’apprentissage généralisée en 2020 :

La nouvelle réforme de la formation professionnelle prévoit une transformation qui vise à bouleverser tout l’écosystème de l’apprentissage. Désormais les Régions ne piloteront plus financièrement les CFA (centres de formation d’apprentis), elles interviendront néanmoins en matière de financement des CFA à deux niveaux :

  • elles disposeront d’une dotation évaluée sur la base des investissements qu’elles auront réalisés sur la période 2017-2019 ;
  • elles compléteront la prise en charge des contrats dans une logique d’aménagement du territoire ou de développement économique pour plus d’équité (ex. ne pas pénaliser les zones rurales aux faibles effectifs) ;

La feuille de route du gouvernement est donc restée identique du début à la fin puisque ce sont bien les OPCO qui devront s’assurer du financement des contrats d’apprentissage et de professionnalisation selon les niveaux de prise en charge fixés par les branches professionnelles : les cartes régionales d’apprentissage disparaîtront définitivement en 2020, même si les Régions conservent la responsabilité de l’orientation des jeunes. 

Le « coût au contrat » nouveau moyen pour financer les CFA

De leur côté, les directeurs de CFA devront sérieusement repenser leur budget de fonctionnement : les CFA toucheront pour chaque jeune en contrat d’apprentissage une somme forfaitaire appelée “coût-contrat”. En somme, plus un CFA aura de jeunes en contrat, plus celui-ci pourra améliorer ses ressources. Ce financement du coût-contrat sera défini au niveau national par les branches professionnelles (financement par les OPCO). Les branches ont jusqu’à fin février pour proposer des montants qui seront arbitrés ensuite par France Compétences d’ici fin avril.

Un levier économique pour les organismes voire pour les entreprises…

“Nous passons d’une logique administrée à une logique de marché”


Dominique Crayssac, directeur régional formation-enseignement-emploi de la CCI Occitanie

Tout organisme peut dès à présent développer une activité nouvelle sur l’ensemble du territoire sans autorisation préalable. Il est ainsi possible d’ouvrir un centre de formation d’apprentis sans avoir à conclure une convention avec un Conseil régional. Concernant les travailleurs actifs, l’alternance continue d’être financée notamment grâce à la création de la « Pro-A » qui, en remplacement de la période de professionnalisation, encourage la reconversion ou la formation professionnelle des salariés par l’alternance (encouragée pour les salariés ne disposant pas de certification niveau 6). En parallèle, les entreprises pourront demain créer plus aisément leurs propres « écoles d’entreprise » !

“Avec la loi Avenir Professionnel, la notion de CFA, va fortement évoluer, puisque ceux-ci deviennent des organismes de formation comme les autres.”

Jean Christophe Chamayou (Fondateur du cabinet Lafayette)

… mais qui nécessite la mise en place d’une organisation spécifique et le respect d’obligations !

Afin de mieux développer l’offre de services des CFA, il faudra bien évidemment pouvoir s’adapter aux attentes de la cible ! Pour cela, il faudra rendre le plus attractif possible l’offre de formation en y intégrant les innovations tant technologiques que pédagogiques. Ensuite, la nouvelle Loi Avenir Professionnel n’a cessé de le dire, il faut poursuivre une logique reposant sur les compétences, celle-ci permettant de répondre aux besoins réels et futurs du marché de l’emploi ! Le second objectif des CFA sera ainsi de segmenter et identifier les futurs candidats. Pour cela, implanter dans les centres de formation des outils de sourcing (diffuser une offre de formation cohérente et étendue) constitue un bon moyen pour attirer les jeunes vers des métiers et filières nouvelles surtout si “85% des emplois de 2030 n’existent pas aujourd’hui” ! (étude apport de Dell et «l’Institut pour le Futur»)

Enfin, les organismes candidats au statut de CFA devront adopter les bons réflexes sur le plan administratif ou encore juridique, à savoir respecter les diverses obligations pour exercer : les obligations juridiques et comptables, les obligations liées à la qualité d’organismes de formation et les autres obligations tierces (inscription de l’activité d’apprentissage dans les statuts, référent handicap…).

La capacité à préparer un titre ou un diplôme

L’alternance par l’apprentissage et la professionnalisation devra obligatoirement préparer à un titre ou à un diplôme du RNCP : « Tout CFA doit donc être en mesure de justifier sa capacité à permettre à chaque apprenti d’obtenir un titre certifié au RNCP ». Les nouvelles règles d’éligibilité au Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP), et notamment le découpage en blocs de compétences, inciteront les CFA à bâtir une véritable stratégie de certification en travaillant sur les niveaux, les équivalences et les dispositifs d’accès.

Autre critère de certification pour ces organismes, ils devront être déclarés au titre de la formation professionnelle continue et disposer d’un label qualité (cf. rapport Brunet sur le développement de l’apprentissage (n°43 Rapport Brunel), à savoir avoir obtenu un des actuels labels agréés par le Cnefop, ou être référencés dans le cadre de Datadock (pour les nouveaux entrants) pour pouvoir être financés par les OPCO (au plus tard le 01/01/2021).

L’apparition d’une nouvelle concurrence

Pour les CFA, la réforme ouvre certes le champ au développement d’une concurrence de plus en plus accrue, mais c’est également l’opportunité de repenser à la fois son modèle économique ainsi que son modèle de développement. La simplification des procédures d’ouverture ne supprime pas les exigences de qualité et les relations de confiance bâties depuis des années. Il est certain que cette réforme va être l’occasion de rebattre les cartes puisque de nouvelles collaborations entre les acteurs de l’écosystème vont voir le jour : les établissements, les entreprises, les apprentis, mais également les OPCO, et les Régions.

“Modèles économiques, modèles pédagogiques et positionnement dans la chaîne de valeur seront ainsi les clés de succès des acteurs de l’alternance !”

Jean-Christophe Chamayou (Lafayette)