« Le Gouvernement ne comprend pas combien les Régions sont importantes pour assurer le développement de l’apprentissage ; nous notons une sorte de méconnaissance du rôle et des prérogatives des Régions par un Etat centralisateur et jacobin », a déclaré la présidente du Conseil régionale d’Ile-de-France, Valérie Pécresse. Disposant de compétences exclusives, les Conseils régionaux sont responsables de la politique d’accès à l’apprentissage et à la formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d’un emploi ou d’une nouvelle orientation professionnelle. Renforcées par la loi Formation professionnelle de 2014 et la loi NOTRe de 2015, les Régions s’impliquent dans le débat pour une réforme ambitieuse répondant aux enjeux de l’emploi et de la formation dans les territoires.

Le document d’orientation remis par le gouvernement aux partenaires sociaux le 16 novembre dernier annonce les intentions de transformation du système de formation, une « révolution copernicienne ». S’il est précisé le « rôle déterminant » des Régions dans la formation des demandeurs d’emploi, leur place dans la réforme à venir pose question, notamment par rapport aux branches professionnelles.

Le retour d’un dialogue constructif

La phase de concertation sur la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage s’est engagée dans un contexte de tension entre l’Etat et les Régions. La décision du Premier ministre de supprimer 450 millions d’euros de crédits dans la dotation des Régions en 2018 a conduit à l’annonce de leur retrait de la Conférence des territoires.

Une volonté de coopération a été exprimée par le Gouvernement, dans le cadre de la formation de 2 millions de demandeurs d’emploi financée par le grand Plan d’investissement 2018-2022. Ce sont 15 milliards d’euros qui seront engagés par l’Etat pour cet axe « compétences », en lien avec les Conseils régionaux.

L’enjeu de la réforme à venir et la place que doivent y trouver les Régions ont favorisé le retour du dialogue, sous la houlette du nouveau président de Régions de France, Hervé Morin. Le rétablissement de la confiance est en effet nécessaire pour les Régions, de manière à faire entendre leurs positions en tant que chef de file dans le domaine de la formation professionnelle et de l’apprentissage. D’autant plus dans un contexte où le Medef demande que l’apprentissage soit désormais géré par les branches professionnelles.

 

Pour une réforme ambitieuse répondant aux enjeux des territoires

Souhaitant approfondir leurs compétences dans les politiques de la formation professionnelle et de l’apprentissage, les Régions ont rappelé leurs positions. Leurs propositions visent à mettre la formation professionnelle au service de l’emploi, dans le respect des compétences régionales.

  • Pour une information plus transparente et cohérente sur les métiers et l’évolution de l’emploi, les Régions souhaitent une réforme de l’orientation, en intégrant les missions d’orientation scolaire au service public régional d’orientation (SPRO) mis en place par les Régions avec la loi de 2014.
  • Les Régions tiennent à conserver la gouvernance du système d’apprentissage pour maitriser l’implantation des CFA, dans un souci d’aménagement du territoire. Elles souhaitent également un droit à l’innovation pour lever les freins au développement de l’apprentissage, et la possibilité de modulariser les formations pour adapter l’apprentissage aux apprentis et aux besoins des entreprises.
  • En termes de collaboration avec les branches professionnelles et les entreprises: Les Régions demandent une contractualisation du plan d’investissement compétences avec les branches professionnelles, afin d’élaborer un contrat d’objectifs.
  • Les Régions revendiquent un pilotage reconnu à l’échelle régionale, avec d’une part l’organisation par les Régions de la totalité de l’offre de formation professionnelle initiale, dans les voies professionnelles et technologiques, et d’autre part le pilotage de l’offre de formation des demandeurs d’emplois en lien avec les branches, partenaires sociaux et entreprises.
  • Enfin, un choc de simplificationest souhaité, via la réduction du nombre de schémas régionaux (21 actuellement), autour du CPRDFOP (Contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles).

 

Renforcées par la dernière réforme territoriale, par leur périmètre et l’exclusivité de leurs compétences, les Régions entendent peser dans le débat et s’imposer en tant qu’acteur incontournable des politiques emploi-formation. En complémentarité avec leurs prérogatives de développement économique et d’aménagement du territoire, elles valorisent leur capacité stratégique au niveau territorial. Avec le pilotage de l’apprentissage, les Régions souhaitent donc faire figure d’interface entre les différents acteurs et de seuls garants de l’équité territoriale. Dans le cas contraire, elles verraient leur champ de compétences réduit.

 

Alain Gouet 

Consultant Lafayette